Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le Pacifique Sud fut le théâtre d'opérations importantes. Plusieurs pays établirent des bases, des aérodromes et des quais sur des dizaines d’îles éloignées. Pour la première fois, de nombreux peuples autochtones de la région voyaient des étrangers, sans parler des véhicules et des machines qu’ils avaient apportés avec eux. L'approvisionnement en nourriture, en vêtements, en médicaments et autres biens fut assez impressionnant. Les soldats partageaient souvent ces biens avec les habitants et les troquaient contre des textiles ou marchandises. Mais lorsque la guerre pris fin, les livraisons cessèrent elles aussi. Les aérodromes furent démantelés ou abandonnés et des milliers de soldats quittèrent les îles pour rentrer chez eux. Avec une compréhension limitée des systèmes de fabrication et de logistique responsables de ces livraisons, les autochtones de toute la région construisirent des reproductions impressionnantes (bien que non fonctionnelles) d’avions, de tours de contrôle et même de casques fabriqués en bambou, dans le but d'attirer les avions et les marchandises qu’ils transportaient. Ils imitèrent au plus près tout ce qu’ils avaient observé, allant même jusqu’à organiser des cérémonies somptueuses avec des défilés, des fusils en bois et des uniformes factices afin de susciter la livraison de ses cadeaux du ciel.
Ces activités réussirent certes à rassembler les communautés autour d'un objectif commun dans une période de bouleversement social, mais elles ne permirent pas de concrétiser leur objectif principal qui était de déclencher des livraisons d’approvisionnement et la livraison de produits manufacturés.
L'approvisionnement des temps modernes
Pour beaucoup, la Silicon Valley est un lieu magique. Elle est devenue l’épicentre de l’innovation, sans parler des incroyables richesses qu’elle génère. Elle héberge certaines des sociétés les plus prospères et les plus influentes de tous les temps, dont trois des géants Tech : Google, Apple et Facebook. Ces organisations ont bâti leur réputation sur leur manière révolutionnaire de faire les choses. Elles fonctionnent différemment et enregistrent ainsi des bénéfices colossaux.
Les somptueux campus de Google — équipés de capsules sieste, de cafétérias avec repas gastronomiques gratuits, de salles de sport sur plusieurs étages et de salles de jeux vidéo, ont redéfini la nature même de ce qu’est, ou devrait être un lieu de travail. Avec une « rue principale » incurvée, des « diners » typiques des années 50, des boutiques et des murs d'écran vidéo gigantesques, le siège social de Facebook ressemble plus à un parc d’attractions qu'au bureau d'une entreprise Tech. Le siège d'Apple, véritable « vaisseau spatial », semble avoir débarqué d’un futur lointain avec son design incurvé en verre et en métal, totalement eco-friendly.
Mais leurs bâtiments majestueux et leurs avantages sociaux qui font rêver ne représentent qu’une petite pièce du puzzle. C’est la façon dont ils font les choses qui a piqué l’intérêt de millions de personnes.
Les fondateurs d'entreprises et les PDG ont été inspirés par des initiatives telles que la politique des 20 % de temps libre de Google qui accorde aux employés du temps libre pour bricoler et développer de nouveaux produits et services potentiellement rentables.
D’autres admirent l’engagement d’Apple en matière de confidentialité. La capacité de l’entreprise à garder bien caché les détails de ses produits révolutionnaires, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à être dévoilés au monde, impressionne le public.
De nombreux ingénieurs et créatifs trouvent que l'ancien mantra de Facebook, « bouger vite et casser des choses », est particulièrement inspirant, alors même que Mark Zuckerberg et la société reconnaissent certains de ses effets négatifs. Les gens aiment s'identifier à des personnages comme Mark Zuckerberg et aspirent à exercer le pouvoir et l’influence qu’il a connus si jeune.
Nous ne comprenons pas toujours les mécanismes se cachant derrière leur façon d'atteindre le succès, mais comme pour les fameuses livraisons, nous voyons argent, pouvoir et influence, tous les jours.
Le vol d’identité d’entreprise
« Les bons artistes copient ; les grands artistes volent. » - Steve Jobs
Ces entreprises de la Silicon Valley ont tant de succès et de pouvoir qu'il n’est pas étonnant que d'autres voudraient être comme elles. Les entreprises n’ont pas ménagé leurs efforts pour essayer de cloner chaque détail de l’ADN des champions Google, Apple et Facebook, depuis leurs programmes d'avantages sociaux, jusqu’au look et design de leurs bâtiments.
Les avantages sociaux offerts par Google sont désormais la norme dans la plupart des entreprises Tech de la Silicon Valley. Repas servis par traiteur, vélos communautaires et open spaces ont gagné en popularité, tout comme les politiques concernant les congés illimités et le travail à domicile. Des dizaines de livres expliquant comment créer des designs comme Apple, penser comme Google, ou se développer comme Facebook sont publiés chaque mois. Bien que certains de ces exemplaires visent assez juste, ils n’ont pas réussi à reproduire les résultats escomptés.
Theranos a essayé de copier le style marketing d’Apple en présentant des produits révolutionnaires de façon spectaculaire. Elizabeth Holmes, fondatrice et PDG de la société, a emprunté les techniques de management et les attitudes de Steve Job et même son col roulé noir. Si les effets d'annonce peuvent contribuer à susciter de l’enthousiasme pour les appareils mobiles, les dispositifs médicaux dont des vies dépendent font l’objet d’un peu plus de vigilance.
Shyp a suivi l'exemple de Facebook et a agi vite, mais trop vite, et dans la mauvaise direction. Elle fut victime de sa propre croissance et s'est rabattue trop tard sur les petites et moyennes entreprises.
Beepi, un marché de voitures d’occasion, a réuni 150 millions de dollars, mais a tout flambé en essayant de fournir des salaires et des avantages sociaux similaires à ceux de Google, notamment un canapé de 10 000 dollars dans la salle de conférence et des forfaits téléphoniques pour les proches.
Tout comme les personnes qui fabriquèrent les casques en bambou et les avions en bois, ces entreprises ont pu se rapprocher de l’esthétique. Mais il leur manquait les mécanismes internes complexes qui permettent réellement aux entreprises de réussir.
Penser différemment
Des entreprises comme Google, Apple et Facebook ont rencontré un succès fulgurant, en grande partie parce qu’elles ont renversé les tendances, ouvert de nouvelles voies et sont allées à l’encontre de la norme. Copier leur feuille de route vers le succès reviendrait à ignorer ce qui leur a vraiment permis de réussir.
Par exemple…
- Google a supprimé toutes les distractions de son interface. Cela contrastait fortement avec les « portails Internet » encombrés tels que Yahoo, Excite et Lycos qui dominaient les moteurs de recherche de l’époque.
- Apple a adopté une approche minimaliste dans la conception de ses produits et de ses logiciels, ce qui les a distingué des systèmes d'exploitation Windows et des produits PC.
- Les profils uniformes de Facebook ainsi que l’exigence initiale d’adhésion réservée uniquement aux adresses e-mail .edu ont constitué un changement bienvenu par rapport à l'empire du GIF qu’est devenu Myspace.
« Les avantages naissent dans les différences. Dans les asymétries parmi les concurrents. » -- Richard Rumelt, « Bonne stratégie. Mauvaise stratégie ».
Si de nombreuses entreprises ont abandonné la différenciation et l'originalité au profit de l'uniformité, il existe de nombreux exemples d’entreprises extrêmement rentables ayant adopté une approche résolument différente. Elles ne font peut-être pas autant la une des journaux, mais des sociétés telles que Starbucks, Nike, Netflix et Walmart ont su se frayer un chemin vers le succès et ont développé des cultures variées qui sont, à bien des égards, les opposés des trois géants.
Ces entreprises ont connu le succès selon leurs propres règles et en suivant les principes suivants :
- Rester fidèles à leur culture : si une grande partie du monde de la technologie se concentre avant tout sur la croissance, Starbucks a adopté une approche totalement différente en se positionnant comme une entreprise accordant la priorité aux employés. On appelle même les employés « partenaires ». La culture et la stratégie sont parfaitement alignées et aident l’entreprise à offrir une expérience client différenciée et cohérente.
- Connaître et servir leur public mieux que la concurrence : contrairement à Apple, qui évite notoirement les groupes de discussion, la culture de Walmart consiste essentiellement à répondre aux demandes et aux besoins de ses clients. Apple propose aux clients des produits qu’ils ignoraient vouloir, tandis que Walmart leur apporte exactement ce qu’ils demandent. Les deux approches s’avèrent extrêmement rentables.
- Créer leurs propres méthodes, stratégies et tactiques : comme Facebook, Netflix aime avancer vite, mais sans casser de choses. Garder le service opérationnel à tout moment sur toutes les plateformes est un élément clé de sa stratégie. La société a développé des systèmes complexes pour suivre les erreurs, résoudre les problèmes et rétablir le service en cas de panne.
Faites ce qui vous ressemble !
Copier des outils, des stratégies et des cols roulés ne vous conduira pas au succès. Vous devez réellement faire ce que ces entreprises ont fait, c'est-à-dire être unique et rester fidèle à votre propre culture et à votre ADN.
Dans « Les fous », une célèbre publicité d'Apple sortie en 1997, Steve Jobs tenait ce discours :
À tous les fous.
Les marginaux.
Les rebelles.
Les fauteurs de troubles.
Les chevilles rondes dans les trous carrés.
À tous ceux qui voient les choses autrement.
À tous ceux qui n'aiment pas les règles.
Et qui ne respectent en rien le statu quo.
Vous pouvez les citer, être en désaccord avec eux,
Les glorifier ou les vilipender.
Mais la seule chose que vous ne pouvez pas faire, c’est de les ignorer.
Parce qu’ils font bouger les choses.
Ils font avancer l’humanité.
Alors que certains peuvent les voir comme des fous,
nous voyons des génies.
Parce que les gens qui sont assez fous pour penser
sont ceux qui peuvent changer le monde et qui le font.
En raison des nombreuses pressions à se conformer aux normes et à copier les grandes marques, tracer votre propre voie en tant que société peut être beaucoup plus difficile qu’il ne le paraît. Il est utile de vous poser les questions suivantes :
- Que fait ma société mieux que n’importe quelle autre ?
- Qu'est-ce qui fonctionne réellement pour mon entreprise et qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?
- Comment mon équipe préfère-t-elle aborder son travail ?
- Donnons-nous aux gens les moyens de travailler comme ils le souhaitent ?
Reconnaître que vous devez faire les choses différemment ne représente qu’une partie du défi. Votre entreprise doit disposer d’une structure d’outils et de processus pour soutenir cette singularité. C’est souvent là que beaucoup d’entreprises échouent. Elles adoptent des outils trop peu flexibles et trop contraignants pour soutenir différents styles de travail. Il s'agit d'un aspect négligé de la diversité susceptible de nuire à la capacité d’innovation de votre entreprise. Donner aux gens la liberté de travailler à leur guise peut aider votre entreprise à atteindre de nouveaux niveaux de productivité et d’excellence opérationnelle.
Le succès de Google, Apple et Facebook est vraiment inspirant et nous pourrions certainement extraire de nombreuses pages de leurs manuels. Mais ce ne sont pas leurs bâtiments, leurs avantages sociaux, leurs politiques, ni la plupart de tout ce que nous voyons de l’extérieur qui devraient nous inspirer, mais plutôt leur dévouement à courageusement bousculer le statu quo et à faire les choses à leur manière.
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